Courir en pleine nature et ressentir son « dedans et dehors »

Tous les extraits référencés dans le texte sont signalés en italique et bleu.

Cet article tente de rendre compte de quelques états de l’être dans l’environnement. De la marche à la course, d’un moment de contemplation à une activité intensive, d’un temps de calme et repos à une multitude de sensations, toujours en conscience de son corps et de ses perceptions internes à la conscience de ce même corps dans un environnement plus large. Être qui l’on est dans l’environnement semble permettre de retrouver des sensations corporelles à ce corps habité dans la nature, par une prise de recul de qui suis-je au moment présent.

Récit

Un rayon de soleil pointe, la pompe solaire de l’étang se met en marche, un filet d’eau coule, j’enfile mes baskets et ma tenue de course or les nuages cachent déjà le soleil. C’est parti pour un temps de course dans la nature. Ce qu’elle a changé ces derniers jours ! De -5 degrés à +5 degrés en un jour. De la neige froide accrochée aux arbres illustrant des paysages harmonieux comme les tableaux d’un peintre, à des arbres nus ayant laissé leur manteau blanc à leur pied tout gelé. Mon regard s’envole sur le Léman calme avant la tempête, il suit l’horizon sur les crêtes des montagnes environnantes, elles aussi ayant perdu leur beau duvet blanc. Ma foulée semble légère, je sens mon corps dicter le rythme par la pose de mes pieds au sol et mon plancher pelvien régulant la cadence, quel bien cela fait de sortir de chez soi et courir par ce froid tout relatif, mon bonnet sur la tête me protégeant une perte excessive de calories. Je me sens bien en croisant des chevaux ne daignant pas lever la tête pour me saluer, je ne les dérange même pas. Je continue à ressentir mon dedans harmonieux en osmose avec ma foulée comme si dans ma bulle avec la nature je ne faisais qu’un. Plus loin, une croisée de chemins m’invite à passer par la forêt, je choisis le sentier avec le moins de glace et le plus de neige. Mes pas se posent avec fermeté en suivant une cadence plus rapide en crissant sur la neige et sans glisser. Douceur et plaisir sont tout d’un coup les mots qui me viennent et me regardant courir sur la neige et la glace de manière fluide. La pluie s’en mêle, je ne la sens presque pas, seules mes lunettes me signalent que les nuages déversent des gouttes. Je reste concentré sur mes pas, en même temps j’écoute le crissement de ceux-ci sur la neige et les cris ou chants de quelques oiseaux. Au détour d’un virage, une odeur me chatouille les narines, un renard est passé par ici. Plus loin, je ne distingue presque plus le sentier dans la neige, ma vision s’élargit et les arbres semblent s’écarter pour me montrer le chemin et me laisser passer, vision étrange de les voir se balancer alors qu’il n’y a pas de vent, serais-je connectée à eux ? Je perçois alors une accélération de ma foulée toujours posée au sol avec assurance en cohésion avec mon dedans et mon dehors. Ai-je identifié la force de la nature et mon écoute, ne serait-ce pas le concept de dynamosphère que je suis en train de percevoir ?

Analyse et point de vue avec quelques liens et références
En reprenant mon article précédent en lien avec le « outdoor » je conscientise que ma kinesphère est bien présente avec moi lorsque je cours en prenant soin de m’écouter. Tant ma respiration profonde par le diaphragme que mon plancher pelvien orientent ma cadence et mon rythme de course. Je remarque que j’ai plus de consistance et cela me permet d’établir un lien avec l’environnement en mouvement vers une conscience de ma dynamosphère. La dynamosphè̀re, quant à elle, fait évoluer le corps et ses mouvements à travers diverses nuances dynamiques et expressives évoquant un espace intérieur et extérieur plus volumineux. (Tremblay, 2007, p. 6) Ces arbres dont j’ai la sensation qu’ils me font de la place pour courir illustrent à mes yeux cette harmonie du corps en mouvement dans un espace-temps qui lui est propre. En écrivant ces lignes, je me ressens revivre ce moment dans la forêt, orienté par la nature qui me montre un chemin. Tout comme mes pas posés avec fermeté et aisance dans la neige en équilibre de course, je me rends compte que le corps épouse les sinuosités du chemin et du relief, les pieds portent toujours en avant, ils cherchent la meilleure prise, ils sentent la contexture du sol, ses accidents, et ils étayent le pas du marcheur. Le Breton (2020, p. 49). J’ai fait le choix de courir dans la forêt enneigée pour retrouver des sensations corporelles tout en me laissant enivrer par la nature, ce moment a été incommensurable. Un carrefour n’est pas seulement la croisée des chemins, deux ou trois directions différentes, il impose aussi un choix d’existence, une volonté de chance. Le Breton (2020, p. 43).

 

Références :
Le Breton D. (2020). Marcher la vie. Un art tranquille du bonheur. Éditions Métailié. Paris :
Tremblay M. (2007). Définition partielle des concepts de kinésphère et de dynamosphère comme outils d’interprétation en danse comtemporaine. Mémoire de Master. UQAM, Canada.

 

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